Haïti. 2010.

« Je me réveille de bonne heure ce mardi 12 janvier .»

Le jeune garçon Sismo (« secousse » en grec), « exilé trop longtemps au doux pays du rêve », se réveille à «la réalité caillouteuse »… pour aller à l’école.

Là, il rencontre sa dulcinée Rosemonde, qui va lui donner une photo « joliment bizarre » : une reproduction de Guernica, du peintre Picasso.

Mais alors qu’il rentre chez lui un peu plus tard, « le ciel se met à vaciller et à basculer »… C’est un tremblement de terre… Deux cent mille morts. Lui et sa mère l’ont échappé belle… mais la maison de Rosemonde est « réduite en poudre ».   Sismo cherche l’élue de son coeur pendant huit jours. Va-t-il la retrouver ? Le temps s’est-il arrêté ?

Le texte, du poète James Noël, est écrit dans une langue riche en images, vivante et poétique. Il raconte une tragédie sans pathos. C’est ce qui fait sa force. Chaque page écrite est accompagnée non pas d’une simple illustration, mais d’un véritable tableau dessiné au pastel par Pascale Monnin.

Sur chaque dessin une couleur de fond domine, qui renvoie à un sentiment, à un état d’âme particulier. Au début du récit, prédominent le bleu puis le rose, évoquant l’enfance, l’innocence, le sentiment amoureux. Puis, après le désastre, règnent sur deux tableaux seulement des couleurs sombres : un gris-vert et un gris-bleu… suggérant une impression de chaos. L’expressivité du trait est forte, et chaque planche nous plonge dans une atmosphère particulière. Les couleurs chaudes et lumineuses prédominent. La cathédrale en ruines, qui se trouve entre les deux tableaux ténébreux, est superbe dans ses tons orangés. Elle nous rappelle la cathédrale de Rouen aux teintes orangées peinte par Claude Monet, l’un des précurseurs de l’impressionisme. Il fit 18 vues de ce monument sous différentes lumières de la journée . Pascale Monnin le fait dans un style tout à fait personnel. La luminosité l’emporte sur les ténèbres… Douceur, et paradoxalement sérénité se dégagent de tous ses tableaux ainsi que du regard des personnages.

Ils expriment une maturité profonde, une acceptation des faits, sans résignation, sans larmoiements, avec une teinte de mélancolie. Leurs visages pleins de beauté, desquels émane la dignité de tout un peuple, irradient de lumière et de grâce. On voit Sismo qui constate les faits après le séisme, dans une position évoquant celle du penseur de Rodin. Son regard est plus porté vers l’extérieur, contrairement à la sculpture qui est repliée sur elle-même. Sismo surplombe un champ de ruines, et contemple l’envergure de la catastrophe, tel un bonze. C’est un être qui s’abîme dans la contemplation d’un paysage abîmé…

 Les visages des milliers de morts que voit Sismo dans le ciel sont à la limite… apaisants… Il n’y a pas de vision apocalyptique de cette tragédie, ni de la mort.

Ces tableaux sont un clin d’oeil fait à Pablo Picasso, à ses premières peintures, d’abord, à la période bleue et à la période rose. Puis, au très célèbre tableau Guernica qu’il a réalisé en 1937 suite au pilonnage de cette petite ville du nord de l’Espagne par des bombardiers allemands et italiens. L’artiste y peint l’horreur de cette tragédie, dénonçant la violence de la guerre et des dictatures en place. Ce tremblement de terre du 12 janvier 2010 rappelle à Pascale Monnin la catastrophe causée par des humains juste avant la Deuxième Guerre Mondiale. La désolation est identique. Mais en revanche, pas de dramatisation. Pas de visages qui pleurent ou qui hurlent comme dans le Picasso.

La fleur de Guernica… c’est cette petite fleur que l’on peut voir sur le tableau de Picasso qui pousse du poing serré d’un bras coupé. La main tient aussi une épée brisée.

Petite lueur d’espoir… Rosemonde tient une fleur à peu près similaire. Pascale Monnin fait aussi un clin d’oeil au peintre Gauguin dans son dernier tableau où se dresse Rosemonde, belle et gracieuse, devant un fond de fleurs rouges. Nous avons l’impression de voir une de ses vahinés… comme « La femme à fleur ».

L’espoir renaît et transcende la souffrance.

Un très beau moment de lecture à partager avec son enfant, permettant de revivre un événement funeste sans mélodrame, de parler d’un sujet d’actualité qu’on ne peut oublier et de la mort sans dramatiser. Un beau moment pour découvrir aussi la peinture et plusieurs artistes plasticiens évoqués en filigrane.

Un poème où l’amour triomphe sur la mort.

Un hymne aux morts d’Haïti.

Une leçon d’humanité.

Un rêve d’espoir.

Un petit bijou.

Le Livre

    La fleur de Guernica

La fleur de Guernica

Pascale Monnin

Vents d’ailleurs

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Pour venir en aide aux artistes et amis de la Galerie Monnin sinistrés lors du tremblement de terre ainsi que pour le reboisement et le développement durable dans la zone de Port-Salut, voici deux contacts : www.fondam-haiti.org et fondam04@gmail.com

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