Par Clotilde Penet

 

Danse urbaine née dans les années 90 à la suite des émeutes violentes dans les ghettos de Los Angeles, le Krump s'était fait connaître en France par le documentaire Rize de David La Chapelle en 2005. Aujourd'hui, il continue son évolution, passant même de la rue à la scène, sublimé par la compagnie Heddy Maalem dans le cadre du festival de danse Faits d'Hivers. 

Né dans les ghettos de Los Angeles…

C'est en 1990, dans les quartiers de Los Angeles que le Krump, intégré dans la grande famille du hop hop, est né. Ses mouvements sont très rapides. Rage et agressivité peuvent transparaitre des corps et visages de ses danseurs, mais cette danse est non-violente. Elle se veut représentative de la vie et de sa jouissance. Le mot Krump signifie Kingdom Radically Uplifted Mighty Praise, que l'on pourrait traduire en français pas "louanges puissantes au royaume radicalement soulevé." 

Dès son origine, le mouvement est marqué par les émeutes raciales meurtrières de 1992. A Los Angeles, un jury avait décidé de disculper les policiers blancs qui avaient brutalement frappé un jeune Noir. Pendant plusieurs jours, la ville avait été mise à feu et à sang et 53 personnes avaient perdu la vie. Un article du Monde revient sur ces violences, 20 ans après.

Dans ce contexte difficile, Thomas Johnson a créé un personnage : Tommy the Clown.

Tommy the clown

Il animait des goûters d'anniversaire dans les ghettos, rythmés par le clowning, afin de transmettre des valeurs positives dans ces quartiers défavorisés, parfois ravagés par la violence. Très vite, cette danse a évolué pour devenir le Krump. Les Américains Tight Eyez et Big Mijo en ont  progressivement fait un véritable mouvement, grâce auquel les jeunes ont pu canaliser leur colère à travers le corps, transformant les énergies négatives en énergies positives.

Peu à peu, la pratique du Krump est devenue plus courante et s'est développée dans le monde entier. En France, la discipline urbaine a été popularisée par le film du photographe David Lachapelle, "Rize".

Extrait du film Rize de David Lachapelle

Entre battles, labs (entraînements) et master classes, les danseurs se retrouvent pour pratiquer ensemble, aussi bien à la Villette, La Défense, Beaubourg et Saint-Michel à Paris (liste non exhaustive), que dans les rues de Dakar, au Sénégal. En mai 2013, des battles internationaux de Krump ont enflammé Paris et Libération y consacrait un article, en partenariat avec France Culture.

Un aperçu du Krump en vidéo avec cette chorégraphie de Grishka aka Monsta NY Madness, de la grande famille Madrootz.

 


Le Krump rejoint les danses urbaines telles qu'elles émergent dans les mégalopoles du monde entier.  Il se développe, il évolue. Et cette expression directe et spontanée inspire autant les chorégraphes… Que les spectateurs!

… Et grandi sur une scène populaire parisienne

La salle du MPAA Saint-Germain (Maison des Pratiques Artistiques Amateurs) est pleine mercredi 29 janvier. Nombreux sont ceux, tous âges et toutes origines confondues, venus assister au spectacle "Eloge du Puissant Royaume" par la Compagnie Heddy Maalem.

Pendant une heure, solo, duo, trio et chorégraphies groupées s'enchaînent. Le temps passe presque aussi vite que les danseurs ne bougent, enflammés par leur passion.

Krump 1

© Clotilde Penet

Krump 2

© Clotilde Penet

Krump 3

© Clotilde Penet

On retrouve dans les mouvements une dose d'émotions inquantifiable. Les sensibilités sont mises en exergue. Chaque personnage traverse différents états physiques et psychologiques, sur les rythmes d'une bande sonore variée et adaptée. Tristesse, solitude, difficultés de communication. Ecorchements retenus et souffrances profondes semblent être extériorisés, dans une grande liberté. Joie, amour, ambitions. Partage. Ce sont aussi des sentiments positifs qui se dégagent des corps et des faciès expressifs. Entre sourires, sourcils froncés et langues tirées, les danseurs passent d'un état à un autre. Tous ont une histoire à raconter. Parfois, elles se recoupent. Parfois, elles restent uniques et solitaires, bien que partagées avec un public qui retient son souffle.

Krump 4

© Clotilde Penet

Et le souffle a toute son importance. En l'absence de musique, on entend celui des danseurs. Leur respiration devient musique. A certains moments, ce sont même leurs cris qui dynamisent l'atmosphère. Dans la chorégraphie finale, ils sont tous réunis. Ils s'encouragent. Ils renouent avec la "tradition" du krump qui veut qu'ensemble, les pratiquants s'expriment, tour à tour dans une ronde sans contours. C'est comme une libération des plus totales. Les règles de la scène disparaissent pour laisser place à un sens commun de l'expression corporelle.

Le salut final des cinq danseurs se fait sous les applaudissements infinis d'un public heureux et satisfait. Ils reviennent trois fois, souriants. Fiers, ils peuvent l'être. Représenté sur scène, le krump a su garder son authenticité et son essence urbaine, même dans une salle de spectacle.

Lola Bry, 23 ans, a trouvé le show "très expressif, très fort, très dynamique, très impressionnant." Pour elle qui n'avait jamais vu de Krump en spectacle, "une énergie folle se dégage de chacun de leur corps, vraiment, tous autant qu'ils sont et même en tant que groupe. Ils ont l'air très solidaires les uns avec les autres."

Le pari du chorégraphe Heddy Maalem - "produire un spectacle et une forme poétique sans entraver la très haute énergie et la puissance de cette transe portée par cinq danseurs investis" - est réussi.

Dans le cadre de Faits D'Hivers, festival de danse à Paris, de nombreux autres spectacles ont lieu jusqu'au 15 février. Retrouvez tout le programme ici.

 

 

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