Un Don de Toni Morrison

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Toni Morrison, premier écrivain noir américain à obtenir le prix Nobel de Littérature en 1993 pour l’ensemble de son oeuvre, revient sur le thème de l’Esclavage, 21 ans après Beloved, avec son nouveau roman de la même veine: Un don qui se situe 200 ans avant le premier roman cité, aux origines de cette pratique odieuse et innommable.

L’Amérique du XVII ème siècle, la conquête d’un Nouveau Monde où tout est permis pour les européens, où l’on vend de la chair noire, blanche, métisse, indienne à tour de bras, où l’on massacre les indigènes et les exproprie, où l’on arrache aux mères leurs enfants issus de viols collectifs… un monde d’enfants trouvés, abandonnés, morts-nés ou par accident, de mères accouchant seules… dans une nature hostile et sauvage.

Un homme, Jacob Vaark, anglo-néerlandais, orphelin enfant, devenu fermier et négociant en Virginie, va recueillir une adolescente indienne, Lina, seule rescapée de sa tribu décimée, Sorrow, une sang-mêlé, retrouvée à moitié noyée par des bûcherons et enfin Florens, une enfant noire de huit ans échangée contre une dette impayée d’un planteur de tabac. Elles vont former un trio de domestiques hors du commun autour de son épouse Rebekka, envoyée au Nouveau Monde par ses parents anglais pour être mariée. Tous ces personnages vont former comme une famille où vont se tisser des liens ambigus et fragiles, d’amour et de haine, chacun d’entre eux étant en proie à un tumulte intérieur. Des personnages en errance, en quête d’eux-mêmes, d’une certaine plénitude dans une ferme où règne l’illusion d’une harmonie salvatrice. Des personnages embourbés dans leur destinée, noyés dans une terre boueuse, celle de la « Nouvelle Angleterre » où tout est à faire, à défaire, à refaire. Des femmes esclaves des hommes, envoyées en exil ou « vendues » en mariage, esclaves de l’amour ou esclaves sexuelles, des hommes esclaves de l’argent, de leur folie des grandeurs qu’ils réalisent à l’aide d’êtres arrachés à leur terre natale, déportés de force sur un autre continent, condamnés à vivre en captivité et rêvant de racheter un jour leur liberté.

Une écriture énigmatique, labyrinthique sans pour autant être hermétique; une invitation à un voyage dans une Amérique rebâtie dans le feu et le sang. Plusieurs récits déchirants et croisés contant une intrigue commune perçue sous des angles différents et qui apportent un éclairage progressif à certains passages mystérieux. Un roman polyphonique et kaléïdoscopique où souffrances, souvenirs, amours, amitiés, jalousies, peurs, mépris s’entremêlent. Un univers imprégné d’onirisme et de cruauté, une prose poétique et délirante, des personnages frisant la folie, un récit explosant de beauté.

Abandon ou don ? Au lecteur de mener sa propre enquête et de reprendre l’histoire du début car il y a encore des choses à déchiffrer…

Un livre qui se déguste et qui nous laisse à la fin un goût bien amer, mais tellement puissant! Le récit final, dernière pièce du puzzle, nous bouleverse et nous subjugue.

Un chef d’oeuvre.

Prenez le temps d’écouter et/ou de voir un court extrait lu dans la video ci-dessous.

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