Djiraël jeune étudiant fauché de Sarcelles reste englué dans le réel de sa cité plutôt que de se préparer au décollage.

En effet, sa mère a fait l’impossible pour trouver un emprunt et pouvoir emmener tous ses enfants à Casamance où se trouve le père.

Dji n’a toujours pas préparé sa valise la veille du départ. Il préfère traîner avec les copains-copines, draguer les nanas et se mettre dans des coups foireux du style braquer un type qui s’avérait être un vieux pote!

Djiraël freine des pieds et ne veut pas se rendre à l’évidence : qu’il y a un autre Djiraël à aller chercher là-bas.

Il préfère rester dans la rancoeur et la frustration d’un fils qui n’a pas pardonné au père le manque de tendresse, la froideur, les longues absences au pays.

Mais il ne peut résister longtemps à la décision de la mère, une femme forte qui élève seule en France ses quatre enfants, fidèle à ses racines et aux traditions.

Dji n’a que faire des « superstitions » de son pays.

Mais arrivé à Dakar, il est cerné par la chaleur, les odeurs, les sons, les paysages…

Parti à l’âge de 6 ans, il n’était pas revenu, et c’est avec intensité que cette terre et les réminiscences s’emparent à nouveau de lui.

Avec ce décollage, il avait peur de revivre la déchirure d’il y a 14 ans, lorsqu’il a dû quitter sa terre natale…

« C’était l’histoire d’un enfant qui ne se souvenait pas de son père.

En cette saison de la vie, tout n’était que jeux, le bonheur résidait dans l’instant présent, l’univers paraissait immense et la vie infinie. »(p.58)

Que va devenir l’innocence de cet enfant sénégalais qui va devoir quitter son pays ?

Au Sénégal, on l’appelle le Francenabé, l’émigré. Il déteste cette appellation. Il ne se sent pas étranger! Déjà qu’en France, en cité, il est considéré comme un Français de seconde zone, voire comme un étranger aussi!!

Pourtant quand la France venait chercher en Afrique les jeunes hommes de plus de 18 ans pour devenir « tirailleur sénégalais » et servir de chair à canon à ce doux pays, on les mettait bien en première ligne !!!! (lire aussi dans Cannibale de Didier Daeninckx le témoignage de Fofana, un ancien tirailleur sénégalais devenu éboueur dans le métro parisien).

Un livre qui n’est pas aussi léger qu’il en paraît, au début. Malgré la tchatche des banlieues, il aborde des thèmes lourds comme la quête de l’identité, de la plénitude de soi, la réconciliation avec soi et avec l’autre, la conciliation d’un entre-deux, le dilemme, les choix difficiles à faire et à assumer.

Le jeune homme va-t-il réussir à se réconcilier avec son père ?

Cette fausse indifférence, ce désir d’ignorance, de « modernité » chez Djiraël vont être remis en question par la rencontre avec Kadiom, un vieux chasseur diola qui va nous bouleverser avec son histoire incroyable. Le vernis s’écaille, et l’être profond se révèle. C’est la Voix de l’Afrique toute entière qui retentit dans le récit du vieil homme.

Des passages très poignants. L’humour est au rendez-vous, mais aussi l’émotion. Toute la partie africaine est d’une beauté très poétique, comme par hasard, le style change, devient plus soutenu, plus lyrique. Même si on ne fantasme pas toujours sur cet Ailleurs, sur la Ville, en particulier le bidonville à la laideur et à la puanteur innommables.

Ce que l’on regrette un peu c’est que le voyage a été bien court, on aurait aimé être davantage en terre africaine. Mais l’auteur a dit l’essentiel. Et c’est peut-être avec cette quintessence qu’il voulait que l’on reparte. Un art de la concision, avec une dimension mystique très forte.

Le retour à la réalité française est violent.

Le personnage parviendra-t-il à échapper à la spirale de la violence et des gangs ?

L’auteur fait alterner plusieurs points de vue, mais celui de Djiraël est celui qui domine.

Il y a l’  » interlude  » de Farah, son amoureuse, celle de Tierno, son grand frère et à la fin le point de vue de Youba, son cousin et pote. Ces trois points de vue nous apportent un autre éclairage sur le personnage principal. Ils nous montrent une réalité à multiples facettes.

Il y a aussi le monologue intérieur de cette vieille dame africaine que le protagoniste voit en rêve… quelle est cette étrange apparition ? Le mystère ne sera élucidé qu’à la fin.

Car Insa Sané, dans Sarcelles-Dakar, manie l’art de ne pas tout révéler… ce n’est qu’à la fin qu’il nous donne les dernières pièces du puzzle.

Djiraël va-t-il réussir à se retrouver ? A retrouver la foi en lui ?

« En réalité, mon vrai problème, avant ma rencontre avec Kadiom, c’est que j’avais perdu la foi; J’avais d’abord arrêté de croire en l’amour de mon père. Ensuite, j’avais cessé de croire en moi. Et puis j’avais fini par ne plus croire en rien ni en personne. »

Ce roman est publié dans l’édition Sarbacane, une édition Jeunesse, dans la collection Exprim’ destinée aux adolescents et qui mérite d’être découverte.

C’est le premier roman qui ouvre la « Comédie urbaine » de l’auteur, comprenant trois autres titres Du plomb dans le crâne, Gueule de bois et Daddy est mort.

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Le Livre

    Sarcelles Dakar

Sarcelle Dakar

Insa Sané

SARBACANE

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