« J'ai eu le sentiment qu'il me parlait et qu'il me demandait de le sortir enfin de ce silence »

Mohammed Aïssaoui

 

Mohammed-Aïssaoui

Mohammed Aïssaoui au Salon du livre de Paris le 18 mars 2011. ©Thierry Caro

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« J'ai longtemps fui cette question : pourquoi cette histoire de l'esclave Furcy a-t-elle raisonné si fort en moi, et résonne-t-elle encore ? Où faut-il aller chercher les clés pour comprendre ? Je n'ai pas le début d'une réponse. Il paraît que l'on met dans un livre ce qu'on ne peut pas dire, mais qu'ai-je voulu dire ? Sinon l'extravagante patience d'un homme à devenir libre, sa détermination hors-normes.

Je crois que c'est le silence que je voulais dénoncer, cette absence de textes et de témoignages directs sur tout un pan d'une histoire récente. Cette absence de recherches, d'archéologie. Seuls quelques universitaires ont tenté de briser ce silence. On en sait plus sur le Moyen-Âge que sur l'esclavage. La phrase de l'universitaire Hubert Gerbeau, « l'histoire de l'esclavage est une histoire sans archives », est tellement juste. Je suis effaré par la quasi-inexistence des archives, leur éparpillement quand elles existent, le peu de témoignages des victimes, l'effacement progressif des traces écrites. On découvre de nombreux carnets de chasseurs d'esclaves, de comptes rendus d'esclavagistes; ils sont nécessaires, il faut les montrer, mais on peut regretter qu'il existe si peu de témoignages des personnes asservies. » (p.11)

Mohammed Aïssaouï a passé quatre ans de recherches, quatre ans à fouiller dans les archives, à reconstituer toutes les pièces du puzzle de l'affaire de l'esclave Furcy. Des archives qui pourrissaient dans un coin, mises aux enchères à l'hôtel Drouot en mars 2005 et vendues à l'Etat pour la modique somme de 2100 euros...

Mais en quoi consiste-t-elle, cette affaire ?

C'est l'histoire d'un jeune homme de 31 ans, esclave de mère indienne, né sur l'île Bourbon (actuellement l'île de la Réunion). Apprenant, après la mort de celle-ci, qu'elle était maintenue en esclavage alors qu'elle avait été affranchie en 1789, il décide alors d'exiger sa liberté au tribunal d'instance de Saint-Denis en 1817. Mais le combat va être semé d'embûches et le procès durera 27 ans!!!

En effet, Furcy a certes de la chance de tomber sur le procureur général de la Cour royale de Saint-Denis, Gilbert Boucher (un Français fraîchement venu de France), et son substitut Jacques Sully-Brunet, qui, épris de justice, vont lui apporter aide et soutien. Mais deux individus ne sont rien face à la machine esclavagiste et tous les notables de l'île, riches planteurs blancs possesseurs d'esclaves, qui la représentent. La lutte sera inégale. Le pot de terre contre le pot de fer.

Les esclavagistes ont peur que l'affranchissement de Furcy n'entraîne celui de milliers d'esclaves.

Cependant Furcy n'abandonnera jamais, malgré l'isolement forcé du jeune Sully-Brunet et le renvoi masqué de G. Boucher. Le jeune esclave sera enfermé en prison, pendant un an, accusé de marronnage, puis exilé sur l'île de France (l'actuelle île Maurice) pendant 18 ans (1818-1836). Malgré la distance, il se débrouillera pour être toujours en relation avec Boucher en France et pour poursuivre les procédures judiciaires de son affaire par personnes interposées.

Il obtiendra la liberté « partielle » de manière très insolite... mais nous n'en dirons pas plus. La liberté « absolue» lui sera-t-elle accordée ?

Une histoire incroyable, relatant « le plus long procès jamais intenté par un esclave à son maître, trente ans avant l'abolition de 1848 » (p. 12).

Pourquoi personne ne s'est intéressé à cette histoire avant Mohammed Aïssaouï ?

Furcy était devenu un symbole, à son époque, pour tous les esclaves de l'île Bourbon qui lui avaient toujours témoigné leur soutien lorsqu'il était en prison. Son histoire avait fait le tour de l'île. Elle avait fait grand bruit. Pourquoi une histoire si retentissante à l'époque ne fait-elle plus de bruit, aujourd'hui ?

L'affaire de l'esclave Furcy est un livre extrêmement documenté, un essai romancé, qui suit l'enquête de Mohammed Aïssaouï pas à pas, le long de ces quatre ans de recherches. Enquête qui va d'ailleurs évoluer en quête personnelle, tellement Furcy va coller à la peau de l'auteur. Il ira jusqu'à l'île de La Réunion chercher les lieux où le jeune homme aurait pu avoir vécu, comme un pèlerinage... :

« Rue des prêtres. Je l'ai cherchée sur tous les plans de l'époque quand j'ai découvert qu'il y avait habité avec Célérine. La rue n'existe plus aujourd'hui. (…) Furcy l'avait souvent empruntée. Ce fut aussi le décor de la scène de son arrestation, le chemin qu'il avait dû prendre pour aller jusqu'à la prison. J'ai souhaité naïvement marcher sur ses pas.(...)

J'ai marché dans cette rue, et les siècles se sont téléscopés dans mon esprit, comme si rien n'avait vraiment changé. »

Ce qui est frappant dans cette histoire, c'est la détermination de tous ses acteurs. La détermination de Furcy. Celle de Gérard Boucher, fidèle à cette affaire qu'il n'a jamais abandonnée malgré les sanctions qui l'ont poursuivi sa vie durant. La détermination du camp adverse, de Joseph Lory, le maître de Furcy et de Desbassayns, celui qui détient tous les pouvoirs sur l'île Bourbon.

Qui en sortira vainqueur ?

Essai ? Roman historique ? Peu importe. Un témoignage important. Même s'il reste encore quelques zones d'ombres, terribles... car tout n'a pu être complètement déterré... De très nombreux documents ont été détruits après l'abolition :

« Et Furcy, où sont ses descendants, aujourd'hui, encore, après quatre années d'enquête, je suis incapable de savoir quand et où il est mort. Je n'ai même pas son nom ! »

Voilà comment se termine L'Affaire de l'esclave Furcy...

N'oublions pas que les esclaves n'avaient pas de nom... Juste un prénom ou un surnom péjoratif...

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