Le récit d’une mère à sa fille…

mais pas un récit ordinaire : un long récit poétique écrit en vers et présenté sous forme de strophes fragmentées, des petits joyaux… ou plutôt des exhalaisons de parfum capiteux et délicat à la fois.

Une douce mélopée qui nous berce.

Texte indéfinissable.

Un conte ? Peut-être.

« J’aime bien laisser au lecteur de déterminer », dira Lyonel Trouillot lors de son entrevue à la Bibliothèque Elsa Triolet de Pantin (23 Mars 2013).

Un testament…

Entrevue de Lyonel Trouillot à Paris, mars 2013

Fragments de souvenirs, de visions, de conseils d’une mère à sa fille, la veille de son départ pour l’Au-delà.

Morceaux d’une femme qui cherche à se reconstituer à travers son long monologue, qui essaie de se donner un sens, une essence… léguée à celle qui lui succèdera…

Ce livre est le premier à inaugurer une nouvelle collection d’ Actes Sud intitulée Essences:

les réminiscences olfactives embaument le texte entier.

La mère s’adresse à son enfant qui a grandi et qui a « cette odeur de fruit pur, de rosée franche »(40).

Femme sans enfance, elle s’est improvisé son rôle de mère pour renaître à elle-même :

« Comme si j’avais eu deux enfants,

la première née de moi

Toi,

la deuxième née de toi

Moi » (26)

Lyonel Trouillot au « 15è Printemps des poètes » à Pantin – mars 2013 – 1ere Partie

Mère qui dévoile une réalité très sombre de sa vie, de sa propre histoire cachée afin de préserver l’innocence de son enfant.

« Ayant toujours vécu au bord des précipices,

nous nous serons peu parlé.

Et rarement dans le vrai. » (14)

« Il y a un temps pour l’illusion qui nous permet

d’aimer la vie. »(20)

Femme au destin frappé d’opprobre et d’errance:

« Un jour (…)

des hommes m’ont prise pour une vache ou pour

une esclave.(…)

ils ont donné ma nudité en spectacle à la foule

et marqué mon épaule de la fleur de la honte. »(34)

Mais la vérité qu’elle révèle est le témoignage d’une vie marquée par la violence :

« J’ai vu la violence des hommes et celle des éléments.

Et j’ai respiré l’odeur de la haine. » (48)

Lyonel Trouillot au « 15è Printemps des poètes » à Pantin – mars 2013 – 2eme Partie

Pythie qui nous fait voyager dans un lieu et un temps indéfinis renforçant la portée universelle de ses maux/mots.

Voix salvatrice d’une femme qui a pris son destin en main, parole libératrice :

« Je suis celle qui a choisi ses exils et ses pieds-à-terre » (p.40)

Lyonel Trouillot @ bibliothèque Elsa Tryolet Pantin Photo - Mars 2013 ©K.Sarkis

Lyonel Trouillot @ bibliothèque Elsa Tryolet Pantin Photo – Mars 2013 ©K.Sarkis

La parole chez Lyonel Trouillot est omniprésente, dans sa poésie, dans ses romans par la technique du monologue. Elle permet une Naissance de Soi.

Une mère apprend à sa fille à Être. A partir à la Conquête de Soi.

« Et tu marcheras seule vers la conquête de ton essence » (52)

« N’oublie pas, mon amour.

Le paradoxe du parfum, c’est qu’il libère ce qu’il

capture.

Capture la vie et libère-la.

Capture les odeurs de la vie et libère-les.(…) » (56)

Hymne à la Liberté qui se transcrit aussi à travers l’éloge de la danse, symbole ultime de libération.

Le corps se libère de toutes ses chaînes.

« (…)et tu danseras,

et ton corps libre de ses mouvements

libérera sur la tête du monde

une odeur d’union libre et de désir fou sans con-

traintes ni exigences

et nul corps ne sera marqué par la violence du fer

il n’y aura en amour que des péchés d’orgueil,

tu répandras l’odeur du don

et la haine trouvera son maître. »

Lyonel Trouillot au « 15è Printemps des poètes » à Pantin – mars 2013 – 3eme Partie

Ce texte est la quintessence du conte initiatique. Il délivre un message d’Espoir par la parole prophétique annonçant l’Avenir, la vie à venir…

« Pour celles qui viendront après toi,

pour donner à chaque aube son parfum de pro-

messe,

il te faudra vaincre la haine. » (51)

Ode à la Mère, à la Femme libérée du joug de la société, de l’aliénation.

« Et souviens-toi qu’une femme libre est maîtresse

de son doux parfum. » (10)

Mais cette mère, ne serait-elle pas aussi, en quelque sorte l’incarnation d’Haïti, la Terre-Mère qui exhorte son enfant, ses enfants à aller de l’avant ?

Certes, malgré le poids de l’Histoire… elle les incite à se libérer des chaînes du passé, de la violence.

Cette femme marquée par la fleur de la honte, ne serait-elle pas une réminiscence des esclaves marqués au fer rouge ?…

Clin d’oeil fait aussi à cette prostituée de Rue des Pas-Perdus

Nous voyons en filigrane cette île qui ne s’est jamais vraiment appartenue ; donnée aux autres, colonisée, occupée, maltraitée par les dictatures, malmenée par les éléments de la nature…

L’esclavage, la colonisation, l’occupation, la dictature, l’assistanat par les ONG ne sont-ils pas aussi une forme de prostitution ?

Le Livre

    Le doux parfum des temps à venir

Le doux parfum des temps à venir

Lyonel Trouillot

ACTES SUD

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