Lecture d’un extrait de L’Autre Face de la mer par Kirt.

Une petite île perdue dans l’océan… une île scindée en deux… une île où tous rêvent de « partance » afin de fuir la misère… une île à l’histoire déchirante, accablante, désespérante… une île dont l’hémorragie des départs ne cesse encore aujourd’hui…

Une île de fugitifs…

N’avez-vous pas encore deviné ?

Haïti…

Trois récits. Celui d’abord de Grannie, la grand-mère de Jonas, relatant à sa façon, par un long monologue intérieur, son enfance. Et en parallèle le passé d’Haïti. Puis, le récit à la troisième personne d’un narrateur qui se met dans la peau de Jonas, un jeune homme de dix-sept ans qui traverse la Ville. Une ville qui appartenait alors au « fils-de-l’homme-qui-avait-pris-le-pouvoir-pour-mille-ans », prise aussi d’assaut par les cochons ainsi qu’ « une armée de gueux et de crève-la-faim », une ville où « boue, détritus, matières fécales constituaient un engrais de première qualité »

Y a-t-il encore une humanité dans cette ville qui provoque la nausée ?

« Nulle part ne pouvait être pire que la ville »

Alors les Chimères sont de l’Autre côté de la mer. Flots de départs… mais que cache l’Autre Face de la mer ? Miroir aux alouettes ? Le troisième récit, à la première personne, est celui de Jonas et de son adolescence, pleine d’espoir et de désespoir. Est-il possible de vivre une histoire d’amour lorsque l’être aimé traverse l’Océan ?

Deux regards portés sur deux époques différentes d’un même pays, avant les dictatures et après. L’un assez naïf, enfantin, innocent…. d’une grand-mère qui se met dans la peau de la petite fille qu’elle était. L’autre donnant une vision apocalyptique du pays. Deux tonalités très différentes. Mais une réalité amère d’un pays à la dérive… un pays qui a su se libérer seul du joug de l’esclavage mais qui connaît aujourd’hui les pires oppressions!

La mer, la mer, omniprésente. Tantôt une invitation au voyage, tantôt un sanctuaire terrifiant, charriant des milliers de cadavres…. aujourd’hui, comme avant, du temps de l’esclavage…

Une écriture très riche en images, en métaphores, en comparaisons.

Trois récits entrecoupés de long passages profondément poétiques, des mélopées sans ponctuation, qui nous font voyager dans le temps, sur un navire macabre, à l’époque de la traite négrière. Alors nous constatons qu’aujourd’hui rien n’a changé, que le « cheptel » existe toujours, puisque les haïtiens en partance ne sont plus considérés comme des hommes…

Et si nous observons bien la première et quatrième de couverture de la nouvelle édition du livre dans la collection « Motifs », nous apercevons sur l’illustration des bateaux négriers qui prennent la direction de l’île et des navires plus modernes qui suivent la direction opposée… déportation des négriers quelques siècles avant et fuites massives de la population aujourd’hui… Quelle absurdité!

D’autant plus qu’une partie de la population a décimé tous les arbres de l’île pour construire des esquifs de fortune…

Y a-t-il un possible enracinement sur cette île qui se désertifie ?

Une île sans hommes ni bateaux….

Le Livre

 

    L’Autre Face de la mer

L-Autre-Face-de-la-mer Louis-Philippe Dalembert

 

Le Serpent à Plumes

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