Par Clotilde Penet

Les portraits du photographe sénégalais Omar Victor Diop sont exposés à la Maison de l'Afrique depuis le début de la semaine, jusqu'au 6 septembre. Les photographies sont colorées, travaillées et murement réfléchies, pour mettre en avant les nouveaux visages de l'Afrique de l'Ouest. Ceux d'une génération tournée vers l'avenir.

Le vernissage, c'était mardi 4 mars. A 19h00, il n'y a que quelques personnes. Cela ne va pas durer. Une vingtaine de portraits sont accrochés à la Maison de l'Afrique. Des portraits susceptibles d'interpeller différentes générations et différentes origines. Une vingtaine de minutes plus tard, la salle est pleine. Tous les âges, toutes les origines circulent d'oeuvre en oeuvre.

"Une vingtaine de minutes plus tard, la salle est pleine."

© Clotilde Penet.

Mariame Sané et Adama Boye, 24 ans toutes les deux, ont des étoiles dans les yeux. Elles sont en France depuis sept ans. Originaires de Dakar, elles reconnaissent certains visages.

Avec un parapluie fleuri, la bloggeuse Akya Sy, véritable icône des nouvelles gênérations africaines, figure parmi les portraits. La jeune femme a créé la plateforme Wakh'Art, entièrement dédiée aux projets innovants culturels et artistiques du Sénégal. On retrouve aussi Adama Ndiaye, organisatrice de la Fashion Week à Dakar.

Car dans Le Studio des Vanités, l'un des deux projets exposés, c'est une Afrique qui bouge qu'Omar Victor Diop met en avant. L'un des portraits avait fait la Une d'un hors-série de Courrier International consacré à l'Afrique en mars 2013, dans lesquels les Africains racontent la nouvelle dynamique du continent. Les clichés sont surprenants de beauté, dynamiques et très mis en scène. Les modèles sont des personnalités actives, tournées vers l'avenir et emblématiques d'une génération d'entrepreneurs.

Interview d'Omar Victor Diop

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"Akya Sy, véritable icône des nouvelles générations africaines"

Courrier international

"Adama Ndiaye, organisatrice de la Fashion Week à Dakar. "

Quelques pas après l'entrée, sur la droite, le portrait d'une jeune femme dans une robe de tissu rouge avec des motifs verts accapare l'attention. En arrière plan, c'est le même tissu, de couleurs différentes. "Il est magnifique celui-là," dit une femme à l'artiste. C'est le plus important pour Omar Victor Diop: "il est inspiré de ma mère," explique-t-il.

Omar Victor Diop profite d'une tradition ouest africaine, celle de poser en studio pour enrichir de gros albums de famille.

Même si "la lecture des photos est différente selon le pays où j'expose, le retour est toujours très positif et ça me touche énormément," ajoute le photographe. Sur cette photo par exemple, "les Dakarois comprendront tout de suite. L'épaule dénudée de cette femme évoque la période post-indépendance, les années 70. C'est un peu le portrait de toutes les mères d'une génération."

Omar Victor Diop devant le portrait inspiré par sa mère

"Ça, ce sont les sacs d'oignons!" reprend Mariame Sané, sourire aux lèvres, reconnaissant les déchets qui traînent dans les rues de la capitale sénégalaise. "Et ça, ce sont les filets qu'on utilise pour la douche," ajoute Adama Boye, devant les photos du deuxième projet. De la nostalgie? Non, pas vraiment. Même si "le soleil et famille" manquent à Paris, elles semblent surtout fières de voir ces images. Des images valorisantes qui "prouvent que l'art sénégalais se développe de plus en plus, même à l'international!"

Sous certaines des photographies, des nattes de plastique tressé, présentes dans un grand nombre d'intérieurs au Sénégal. Certains visages posent avec du PQ sur la tête ou des bouteilles de Kirène, eau minérale, autours du cou. Le Futur du Beau, exposé à la Biennale de la Photographie Africaine de 2011, traite de la question de la quête de durabilité. Une sorte de "révolution esthétique" qui voudrait que les humains se revêtissent des déchets de leur propre consommation.

Omar Victor Diop a 33 ans, il vit à Dakar. Dans sa famille, personne n'est dans le domaine artistique et il ne pratique la photographie professionnelle que depuis un peu plus de deux ans. Quand on lui en parle, il évoque "un parcours très conventionnel." Sorti d'une grande école, il a quitté son poste de consultant il y a un an et demi "pour vivre de l'art" et s'y "consacrer à temps plein." Depuis, "tout se passe bien," partage-t-il, confiant.

Bouteilles de Kirène

Filets

Serge Kponjon, consultant en marketing digital, s'est fait conseillé l'exposition par un ami. Il a 33 ans et se décrit comme "un amateur d'art." Pour lui, qui peint et "fait de la photo" pendant son temps libre, l'exposition est "visuellement très intéressante." Les portraits lui font penser au peintre américain Kehinde Wiley. "Et puis, même si je ne connais pas le passif d'Omar Victor Diop, les prix me semblent abordables pour de l'art de cette qualité," ajoute-t-il. Les photographies, en vente, coûtent de 780 euros à 1 580 euros.

Hanifa Rodim a 25 ans. Pour lui, "découverte totale." Mais il adore. "J'aime beaucoup les couleurs, la réutilisation des imprimés et les tissus africains exploités de manière inédite. On reconnait tout de suite la patte africaine, mais ce sont des oeuvres qui parlent à tout le monde."

Après avoir été exposé à Bruxelles, Lisbonne, Bamako ou au Panama, pour BBC, CNN ou ARTE… Une partie du travail d'Omar Victor Diop est à Paris. Un voyage visuel gratuit qui montre une face de l'Afrique d'aujourd'hui dont on ne parle que trop peu. Des clichés… Loin des clichés!

PQ & plastique

Portraits

A découvrir jusqu'au 6 septembre à la Maison de l'Afrique (6 rue Bonaparte, 75006 Paris), du lundi au samedi, de 10h à 19h.

 

Toutes les Photos de cet article sont réalisées par Clotilde Penet:
© Clotilde Penet - Mars 2014
Tous droits réservés - affiche du courrier international
Tous droits réservés - images des photos d'Omar Victor Diop.

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